Ruptures, ça dure encore s’t’affaire ?

En tractant lors des manifestations contre la réforme des retraites, c’est la question que certains d’entre vous nous ont posé. Alors pour tous ceux qui se posent la même question : nous avons le regret de vous annoncer que oui ça dure ! Et plus que jamais ! En guise d’introduction à cette anthologie des textes que nous avons publié jusqu’à maintenant, voici donc quelques lignes de présentation.

Le collectif Ruptures est né suite à la mise en place du pass sanitaire. A l’époque, nous ne nous retrouvions ni entièrement dans les textes et slogans des manifs contre le pass sanitaire, ni dans le silence de nos camarades de gauche. Nous avons donc décidé avec joie et engouement de faire rupture, de porter une voix différente : la nôtre. Pour élaborer cette voix collective et déterminer nos modes d’action, nous nous sommes réunis régulièrement, nous avons organisé des conférences-débats, nous avons publié un petit journal de quatre pages, La nouvelle vague. Nous sommes aussi allés à la rencontre d’autres collectifs en résistance contre le pass sanitaire : nous avons ainsi rencontré des soignants en lutte pour leur réintégration à l’hôpital, nous sommes allés prendre un café avec des bibliothécaires refusant de jouer les vigiles à l’entrée de leur lieu de travail, nous avons passé des samedis matin sur le rond-point Pierre et Marie Curie avec des Gilets Jaunes, nous avons rencontré d’autres collectifs opposés à l’emprise du numérique sur nos vies, comme la Quadrature du Net ou Écran Total.

Aujourd’hui, même si le pass sanitaire est aboli, la révolte qui nous a rassemblés nous semble toujours d’actualité. Nous continuons notre lutte contre le maillage technologique toujours plus serré sur nos vies, contre les ravages environnementaux et sociaux du capitalisme, contre l’autoritarisme du pouvoir. Nous essayons d’extirper le refoulé, l’oubli, la soumission et de provoquer débats, mises en mouvements et combats politiques. Nous relions des faits qui peuvent sembler disparates mais nous semblent pertinents pour comprendre la société dans laquelle nous vivons. Nous cherchons la petite bête, les gros cailloux et les baleines sous les graviers. Nous parlons de notre société et de ses crises, de ses errements et de nos combats. Nous ne nous refusons aucun sujet, qu’il soit « d’actualité » ou complètement « has been » : le nucléarisme français à tout prix, l’emprise des biotechnologies sur nos corps, les pandémies de cancer ou d’obésité, les méfaits de la société industrielle, l’incarcération de nos vies dans des prisons numériques, le prix social et écologique du « confort moderne », les enjeux autour de l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé, le tabou de la mort, l’impérialisme militaire et économique, les dangers de la technoscience…

En choisissant volontairement de promouvoir une parole libre, qui plus est sur ce(s) sujet(s) aussi sensible(s) en pleine période du covid, nous ne nous sommes pas fait que des amis ! Mais nous assumons : nous préférons diffuser des analyses qui nous semblent justes que de nous soumettre au suivisme ambiant. Car, sans débat, sans pensée critique, sans prise de position et engagement dans la réalité effective des luttes, il n’y a plus de politique. Et c’est peut-être cela aussi ce qui nous anime à Ruptures : nous refusons de laisser les experts autoproclamés remplacer l’acte politique par le fait technique, que cela soit au sommet de l’État comme dans nos vies quotidiennes.

Ruptures est, pour nous, un espace de liberté à Grenoble. À travers cette anthologie, regroupant la plupart de nos papiers (1), nous souhaitons vous faire partager un peu de cet espace de liberté que nous nous sommes aménagé. Vous pourrez vous replonger dans les sujets que nous avons esquissés, qui restent pertinents même sans covid, et qui continuent de nous turlupiner. Vous y retrouverez nos pronostics qui, pour certains, se sont révélés faux, et vous aurez un aperçu des quelques actions menées par le collectif dans l’arène publique.

Notre collectif n’est pas clos : vous pouvez le rejoindre ou le transposer ailleurs. Publier, tracter, ouvrir le débat, se mettre en mouvement… nous espérons que cette anthologie provoquera en vous de nouvelles envies ou confortera les anciennes. Pour notre part, dans un monde qui ne fait pas de cadeau à la pratique politique autonome et à la pensée subversive, cela nous fait du bien d’apprendre qu’il y a d’autres collectifs, d’autres associations et d’autres individus qui ne baissent pas les bras.

Ruptures, Mai 2023

(1) La nouvelle vague, imprimée à 500 ou 1000 exemplaires en fonction des numéros, est distribuée gratuitement dans des lieux publics et lors de tractages en ville.


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